Jour 6

Los olvidados


Après plusieurs heures passées sur des pistes défoncées, nous arrivons à Chajul, une des trois municipalités de la région Ixil, où Elena, notre accompagnatrice, attire notre attention sur l’église, un endroit clef des massacres. Le territoire Ixil étant quadrillé par l’armée lors du conflit des années 80, les indiens étaient pendus sur le fronton de ce lieu de culte afin de faire des exemples et de terroriser la communauté.



Nous partons ensuite pour Ilom afin de rencontrer une communauté indienne Ixil fortement persécutée  durant ce conflit. Nous traversons de merveilleux paysages dans lesquels nous ne pouvons imaginer que de telles tragédies ont pu être commises.

Nous sommes accueillis très chaleureusement par le conseil des Autorités Ancestrales du village. A l’entrée de la pièce d’honneur, une vingtaine de personnes, hommes et femmes, nous attendent avec solennité afin de nous exposer leurs problèmes. Cet échange se fait en trois langues : espagnole, ixil et française.
Les hommes très dignes sont vêtus d’habits traditionnels et de chapeaux de paille. Les femmes portent les coiffures  de leur communauté avec des pompons  de couleurs.







Un homme prend la parole et nous expose avec émotion et dignité la situation des années 80. «  Le  23 mars 1982 dans notre village à l’endroit où est garé votre bus, les hommes ont été séparés de leur femmes et ont été abattus devant l’ancienne école ; il y a eu 95 victimes, certains survivants ont été forcés à creuser les tombes des morts et le village a été rasé ; les gens fuyaient et étaient souvent rattrapés par l’armée où la guerrilla. » 

Durant cette période 82-96, l’armée guatémaltèque luttait contre une guérilla révolutionnaire et a pris le prétexte de cette lutte pour accuser les indiens d’être complices de celle-ci, afin de les exterminer. De plus, l’armée enrôlait les Indiens de force pour les rallier à leur cause. Le conflit a fait plus de 100 000 victimes et a déstructuré la communauté indigène.

Un autre participant prend la parole et expose l’état de pauvreté de ce village : les écoles délabrées, des maisons insalubres, des pistes impraticables par temps de pluie, l’absence d’égout et d’électricité dans les rues du village. Il explique cette pauvreté par le fait que leurs terres ne leur appartiennent pas. En effet, il nous dit qu’un propriétaire terrien détenant toutes les terres des environs depuis 50 ans les exploite comme de simples journaliers. De plus, les aides promises par tous les gouvernements depuis les accords de paix n’ont jamais été données. En découle une forte sensation d’abandon et de méfiance par rapport au gouvernement.

La communauté est livrée à elle-même. Pour attirer l’attention de l’extérieur sur cette situation de pauvreté, le chef du village nous donne une déclaration solennelle adressée au gouvernement français. Cela nous a été remis avec beaucoup d’émotion et d’espoir.
















Le dernier intervenant nous parle d’une multinationale indienne qui a construit un barrage en leur promettant du travail et du développement en vain. Avec l’aide du gouvernement, ces multinationales profitent de la naïveté du peuple pour le tromper. Par exemple, aucun indien n’a été embauché de manière permanente et l’entreprise ne fournit pas d’électricité au village.



Apres cette rencontre émouvante, Antonio Cabacaba nous fait visiter le village pour nous montrer à quel point la pauvreté règne. Les écoles sont très vetustes et manquent de matériel. Antonio nous amène vers un monument aux morts où sont inscrits les noms des victimes. Ils nous révèlent que lui-même fut témoin à l’âge de 11 ans de ces massacres : «  Je ne peux oublier les têtes écrasées et les yeux arrachés. Je n’ai pu apprendre à lire et à écrire que lorsque j’ai commencé une formation dans le domaine des droits de l’homme. J’ai travaillé durant 8 ans dans l’association Justice et Réconciliation ; mon témoignage est enregistré pour les futurs procès. J’espère que la justice fera son œuvre et que les responsables seront jugés, notamment le général Rios Montt, qui devront répondre de leurs actes devant le tribunal au cours de l’année. »

C’est sur ces paroles d’espoir que nous nous sommes séparés.


Articles écrits par Lamine, Sarra, Housmane et Alexandrine.
Photos : Sarra.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les deux derniers articles sont émouvants. J'ai entre autre beaucoup aimé l'intervention à la radio des 2 élèves ainsi que de leur professeur. Vous étiez touchants. Grâce à la qualité de vos articles et de vos photos, vous nous faites partager de très bon moments. You are a great dream team ; ) df